ARISTOPHIL
"Epargnants victimes d’Aristophil : qui paiera les pots cassés ?
Combien de victimes ? Quel préjudice ? Il faudra du temps pour démêler l’incroyable carambouille des lettres et manuscrits, dans laquelle sont tombés de nombreux épargnants. En attendant, les avocats des victimes affûtent leurs arguments. Deux cabinets invitent les clients trompés d’Aristophil à des réunions d’information, les samedis 21 et 28 mars, pour leur exposer leurs plans d’attaque.
Mettre en cause la responsabilité pénale d’Aristophil et de son instigateur Gérard Lhéritier est une procédure légitime. Mais sa lenteur et ses aléas la rendent incertaine. (photo © GPouzin)
Impossible de connaître l’ampleur réelle de l’épidémie Aristophilitique. Selon les estimations avancées, près de 18 000 épargnants européens, dont environ 10 000 en France, auraient perdu entre 500 et 750 millions d’euros engloutis dans des pseudo-placements en lettres et manuscrits censés leur rapporter un rendement merveilleux avec la certitude de récupérer leur capital. Que nenni !
Aujourd’hui, ils n’ont que leurs yeux pour pleurer sur le contrat qui témoigne d’un versement en échange d’un beau rêve les ayant dépouillé de leurs économies. Pour chaque victime, le préjudice se compte généralement en milliers d’euros, voire en dizaines de milliers pour les plus aisés, séduits par l’exonération d’ISF sur les œuvres d’art.
Les têtes du réseau ont mis la clé sous la porte. Aristophil est en faillite comme ses deux principaux grossistes, Finestim et Art Courtage, chargés de collecter les versements des épargnants par l’intermédiaire d’une multitude d’intermédiaires en placements et conseillers en gestion de patrimoine autoproclamés.
Depuis plusieurs mois, avant même la faillite officielle, les épargnants dont les pseudo-placements en lettres et manuscrits arrivaient à échéance ne parvenaient pas à récupérer leur argent. « On ne sait plus vers qui se tourner, personne ne nous aide à y voir clair, comment faire pour reprendre un petit contrat qui arrive a terme ?», témoigne cette lectrice dans un forum de Deontofi.com. « J’ai un contrat qui est à terme depuis fin novembre pour l’instant peu de nouvelles !! Cela représente pour moi 35 ans de travail !! À mon âge je ne supporte pas cela ! », s’inquiète un autre lecteur dans nos forums de discussion sur Deontofi.com.
Avec l’enquête, ses procédures et leur médiatisation, tous les clients d’Aristophil savent aujourd’hui qu’ils n’ont aucune chance de revoir leur argent en restant les bras croisés. Il va falloir batailler en justice.
Chacun affûte ses arguments pour mettre en cause la responsabilité des acteurs de cette tartufferie. Le chef de la bande et ses acolytes sont naturellement les premiers visés.
Les nombreuses bizarreries consignées dans le rapport de la Direction générale de la répression des fraudes (DGCCRF), complétées par les conclusions de l'enquête pénale en cours,seront certainement d’une aide précieuse pour mettre en cause la responsabilité des têtes du réseau, en particulier Gérard Lhéritier et ses proches, notamment son fils et sa fille, actionnaire minoritaire d’Aristophil, dont les biens ont été saisis comme ceux de son père.
Familier des procédures pour le compte de parties civiles en marge d’un procès pénal, Maître Frédérik-Karel Canoy a été le premier à annoncer qu’il portait plainte contre Aristophil pour le compte de ses clients dans cette affaire de placements bidon, dès le 1er décembre 2014.
L’avantage de cette stratégie est de pouvoir s’appuyer sur le travail de la justice pénale et les pouvoirs d’enquête du juge d’instruction. L’inconvénient est qu’elle est tributaire de la lenteur et des aléas des procédures pénales, qui peuvent durer plus de dix ans pour aboutir à des verdicts d’impunité comme on le voit trop souvent dans les affaires financières (Vivendi,Altran, EADS...). Gérard Lhéritier lui-même a été totalement blanchi par la justice niçoise dans l’escroquerie des timbres monégasques au cœur de laquelle il se trouvait tout innocent.
Pour obtenir une indemnisation du dommage causé par l’infraction pénale, il faudra d’abord obtenir la condamnation des accusés en prouvant leur intention délictuelle. Or, quoi de plus facile que de plaider la fraude involontaire ? L’incompétence plutôt que la malhonnêteté ? L’irresponsabilité, plutôt que la culpabilité ? Ou le fameux « c’est pas moi c’est lui », que les PDG plaident avec autant de candeur que des délinquants mineurs.
Du côté d’Aristophil, cette rengaine est déjà bien rôdée : « on n’a rien promis », « on n’a rien volé », « tout aurait si bien marché si on nous avait laissé continuer », « on n’a pas trompé les épargnants avec des promesses de rendements fabuleux » et « on n’y peut rien si des intermédiaires indélicats ont trahi l’esprit de nos produits sans garantie ».
Dans cette perspective, il est bien sûr possible de mettre en cause la responsabilité de ces intermédiaires indélicats ayant refourgué la camelote d’Aristophil aux épargnants. Car ils ont effectivement une lourde responsabilité, civile ou pénale selon les situations, vis-à-vis des clients qu’ils ont entraînés dans ce traquenard.
Les pénalistes sauront bien comment attaquer ces conseillers en gestion de patrimoine autoproclamés (peut-on parler de professionnels dans leur cas?) colporteurs en lettres et manuscrits. Mais pour quels résultats ? Comme dans la procédure contre Gérard Lhéritier et ses acolytes, la procédure sera longue. Et surtout incertaine, car la plupart des conseillers ayant vendu des produits d’Aristophil seront insolvables au regard des sommes en jeu. Pire, les plus naïfs d’entre-eux ont déjà perdu leurs économies, en souscrivant eux-mêmes à cette improbable carambouille.
Certains optimistes croient alors pouvoir se retourner contre l’assureur des conseillers concernés, car ils ont l’obligation de souscrire une assurance de responsabilité civile professionnelle (RCP), comme dans bien des métiers, pour couvrir les dommages éventuels causés à des clients dans l’exercice de leur activité.
Mais, à supposer que les conseillers indélicats aient bien rempli leur obligation de souscrire une telle assurance RCP, elle ne couvrirait que leurs erreurs relevant d’une responsabilité civile, ce qui exclut l’indemnisation des préjudices résultant de leurs fautes pénales.
S’il ne faut pas négliger la procédure pénale, d’autres pistes sont probablement plus prometteuses pour récupérer l’argent évaporé."
Publié par Gilles Pouzin le 20 mars 2015 sur deontrofi.com disponible sur lien suivant :
https://deontofi.com/epargnants-victimes-daristophil-qui-paiera-les-pots-casses/
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