Procès Kerviel: suivez en direct le dixième jour d'audience
La dixième journée du procès en appel de Jérôme Kerviel a commencé ce lundi 25 juin. La présidente de la Cour, qui n'a jusque là pas ménagé l'ancien trader, condamné le 5 octobre 2010 à cinq ans de prison, dont trois fermes, ainsi qu'à 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts, entend aujourd'hui les plaidoiries des parties civiles.
Jérome Kerviel est sous le coup de trois chefs d'accusation : abus de confiance, introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé, faux et usage de faux. Son procès en appel a commencé lundi 4 juin. Suivez en direct la huitième journée d'audience couverte par notre journaliste Laura Fort, avec les clés pour comprendre le procès. Retrouvez le compte-rendu de la première journée d'audience, le compte-rendu de la deuxième journée d'audience, le compte-rendu de la troisième journée d'audience, le compte-rendu de la quatrième journée d'audience, le compte-rendu de la cinquième journée d'audience, le compte-rendu de la sixième journée d'audience, le compte-rendu de la septième journée d'audience, le compte-rendu de la huitième journée d'audience et le compte-rendu de la neuvième journée d'audience.
Lundi 25 juin
10h00. "C'est le bordel le plus total dans cette Société Générale !"
Me Frédéric Karel Canoy plaide à son tour pour sept petits actionnaires, d'une voix de stentor, en faisant les cent pas entre son micro, derrière les parties civiles et la Cour.
"Je sais, Mme la présidente, que vous n'aimez pas beaucoup la science-fiction, ni le romantisme, mais n'ignorons pas nos classiques. Dans Le Cid, de Corneille : "Nous partîmes cinq cents; mais par un prompt renfort, nous nous vîmes trois mille en arrivant au port". Nous ne sommes que sept, mais il se peut que nous arrivions à 500 000 au port, puisqu'il y a 500 000 actionnaires."
Un peu plus tard : "C'est le bordel le plus total dans cette Société Générale ! Comment a-t-on pu arriver à cette prise de position de 50 milliards ? On parle de 4,9 milliards d'euros de pertes. Il était question que la Société Générale ait un geste royal et ne réclame pas cette somme. Mais est-ce que c'est véritablement 4,9 milliards ? Rien ne permet de dire de manière objective que le débouclage a généré une perte de 4,9 milliards. J'ai des doutes sur le débouclage. M. Bouton dit qu'il est responsable de tout. Il assume. Je ne vois pas pourquoi il ne serait pas responsable civilement."
Me Canoy se lance maintenant dans la démonstration de la recevabilité de sa demande. Puis pose la question de l'évaluation du préjudice moral, puis de l'indemnisation au pénal et au civil.
Me Canoy demande à la Cour d'accorder 90 euros par action au titre du préjudice matériel et 10 euros par action au titre du préjudice moral.
"Je sais, Mme la présidente, que vous n'aimez pas beaucoup la science-fiction, ni le romantisme, mais n'ignorons pas nos classiques. Dans Le Cid, de Corneille : "Nous partîmes cinq cents; mais par un prompt renfort, nous nous vîmes trois mille en arrivant au port". Nous ne sommes que sept, mais il se peut que nous arrivions à 500 000 au port, puisqu'il y a 500 000 actionnaires."
Un peu plus tard : "C'est le bordel le plus total dans cette Société Générale ! Comment a-t-on pu arriver à cette prise de position de 50 milliards ? On parle de 4,9 milliards d'euros de pertes. Il était question que la Société Générale ait un geste royal et ne réclame pas cette somme. Mais est-ce que c'est véritablement 4,9 milliards ? Rien ne permet de dire de manière objective que le débouclage a généré une perte de 4,9 milliards. J'ai des doutes sur le débouclage. M. Bouton dit qu'il est responsable de tout. Il assume. Je ne vois pas pourquoi il ne serait pas responsable civilement."
Me Canoy se lance maintenant dans la démonstration de la recevabilité de sa demande. Puis pose la question de l'évaluation du préjudice moral, puis de l'indemnisation au pénal et au civil.
Me Canoy demande à la Cour d'accorder 90 euros par action au titre du préjudice matériel et 10 euros par action au titre du préjudice moral.
Les plaidoiries reprendront à 14h.
9h30. "J. Kerviel est le fils spirituel de Daniel Bouton, son fils maudit"
C'est au tour de Me Daniel Richard, représentant des salariés épargnants aux côtés de Me Valeanu. "Comment tout cela a-t-il pu arriver ? Il y a deux thèses en présence : la Société Générale savait tout pour la défense, la banque ne savait rien pour la Société Générale, et entre les deux je vous propose celle du bon sens : la banque aurait dû savoir.
Je parle couramment le Bouton, le Kerviel, et même le Mustier et le Houbé. Quand Daniel Bouton [PDG de Société Générale à l'époque des faits] parle de l'affaire J. Kerviel il dit l'épouvantable accident. Effectivement, une conjonction d'éléments ont conduit à quelque chose qui n'aurait pu être qu'un incident si les systèmes de contrôle avaient bien fonctionné. Dans cette affaire c'est un peu le poids des mots, le choc des zéros.
Je parle couramment le Bouton, le Kerviel, et même le Mustier et le Houbé. Quand Daniel Bouton [PDG de Société Générale à l'époque des faits] parle de l'affaire J. Kerviel il dit l'épouvantable accident. Effectivement, une conjonction d'éléments ont conduit à quelque chose qui n'aurait pu être qu'un incident si les systèmes de contrôle avaient bien fonctionné. Dans cette affaire c'est un peu le poids des mots, le choc des zéros.
Je crois que Daniel Bouton, maintenant qu'il est à la retraite, a complètement oublié ce qu'est une salle de trading. Quand vous mettez des ordinateurs, sortes de game boy, entre les mains de jeunes traders, c'est assez pousse-au-crime. Quand vous leur tenez le discours "Enrichissez-vous", vous avez un jour un plomb qui saute. Ca a été J. Kerviel, ça aurait pu être un autre. Aujourd'hui, J. Kerviel est le fils spirituel de Daniel Bouton, son fils maudit. Philippe Houbé [témoin de la défense] a déclaré que J. Kerviel tournait comme un avion. Nous avons eu beaucoup de chance que Daniel Bouton n'ait été que banquier. Imaginons qu'il ait été contrôleur aérien, aiguilleur du ciel... "
Un peu plus tard, Me Richard insiste sur l'issue du jugement : "Nous souhaitons que ce jugement soit revu, nous ne souhaitons pas du tout que J. Kerviel retourne en prison. Nous souhaitons qu'il travaille et qu'il nous envoie de temps en temps quelques milliers d'euros. Nous nous demandons si la meilleure peine ne serait pas un sursis avec mise à l'épreuve et obligation de travailler dans la banque de détail. Tourner la page Kerviel, ce sera avec un jugement mesuré qui rappellera les responsabilités de chacun."
Il conclut en disant : "La Société Générale est une vieille dame, mais elle soulève encore beaucoup de passion".
Il conclut en disant : "La Société Générale est une vieille dame, mais elle soulève encore beaucoup de passion".
9h10. De l'équilibre entre l'art de tomber et l'ivresse de rester debout
Ce matin, alors que débutent les plaidoiries, le public est clairsemé, et la plupart des journalistes ont déserté.
Me Richard Valeanu, avocat représentant cinq salariés et anciens salariés épargnants de Société générale, ouvre les plaidoiries. Il introduit ses propos en remerciant la Cour de sa patience et de son humour.
"Il y a de la souffrance et de l'indignation. Et ces salariés viennent demander réparation de cette souffrance et de leurs préjudices".
Il demande une élévation des indemnités de 2500 euros par salarié convenues en première instance au titre du préjudice moral, mais également la recevabilité du préjudice matériel, qui avait, lui, été écarté en 2010.
Me Richard Valeanu, avocat représentant cinq salariés et anciens salariés épargnants de Société générale, ouvre les plaidoiries. Il introduit ses propos en remerciant la Cour de sa patience et de son humour.
"Il y a de la souffrance et de l'indignation. Et ces salariés viennent demander réparation de cette souffrance et de leurs préjudices".
Il demande une élévation des indemnités de 2500 euros par salarié convenues en première instance au titre du préjudice moral, mais également la recevabilité du préjudice matériel, qui avait, lui, été écarté en 2010.
Il poursuit : "Quels que soient les éléments nouveaux, à notre sens, la culpabilité de Jérôme Kerviel reste établie, comme en première instance ".
Quelques minutes plus tard : "Un trader est quelqu'un qui gère ses risques. Mais J. Kerviel a pris tous les risques, et ne les a pas gérés. Le métier de banquier est de contrôler les risques. Le moins que le puisse dire, c'est que le contrôle de la Société Générale a été défaillant.
Alors à qui avons-nous à faire ? J Kerviel a des traits communs avec A. Ivanovic, "Le joueur" de Dostoïevski. C'est très intéressant la psychologie du joueur. C'est un équilibre entre l'art de tomber et l'ivresse de rester debout. On reproche à J. Kerviel d'avoir voulu faire sauter la banque, mais comme dans tous les casinos, la banque gagne toujours.
Revenons à la réalité : J. Kerviel doit payer ses dettes. Alors que J. Kerviel n'avait pas eu un mot d'excuses en 2010, il a dit la semaine dernière que ses excuses allaient vers les salariés.
Je voudrais que l'on réalise ce que c'est que ce gâchis. » Là, Me Valeanu se lance dans différents exemples de ce que représentent 5 milliards d'euros.
Concernant le préjudice matériel, Me Valeanu décortique d'abord comment est bâti le salaire des employés de Société Générale, dont fait partie l'épargne salariale.
"De combien le marché s'est-il effondré en 2008 : de 43% pour le CAC40. L'événement spécifique en 2008 est celui dont nous parlons. Il y a eu une crise de confiance sur les marchés. Une perte à la Bourse c'est comme un marathon. Quand vous perdez un kilomètre, vous ne le rattrapez jamais. Les deux tiers de l'épargne de ma cliente, Mme Vuillemin ont disparu."
Source: Laura Fort
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